DISCOURS ET RÉCIT
Considérons les deux énoncés suivants :
Il est maintenant 3 heures. J'ai terminé le travail dont je vous parlais ce matin ; je m’accorde un moment de repos.
Il était alors 3 heures. Il avait terminé le travail dont il leur parlait le matin; il s'accorda un moment de repos.
Le premier consiste en propos tenus à des interlocuteurs sur une situation présentes à laquelle participe celui qui parle : on appelle cela discours.
Le second relate des faits passés que celui qui parle ne met pas en relation avec le moment où il parle : cela relève du récit.
I. PRINCIPAUX CRITERES D'OPPOSITION
Toute production d'un énoncé écrit ou oral constitue un acte d'énonciation et s'inscrit dans une situation de communication appelée situation d'énonciation dans laquelle le locuteur s'adresse a un destinataire.
L'opposition entre histoire et discours (ou bien encore récit et discours) a été introduite, par Emile Benveniste, sur la base d’une analyse des systèmes du temps des verbes en français.
« Le temps d’un verbe français ne s’emploie pas comme les membres d’un système unique, ils se distribuent en deux systèmes distincts et complémentaires. […] Ces deux systèmes manifestent deux plan d’énonciation différents, que nous distinguons comme ce lui du discours » (problèmes de linguistiques générale, Gallimard)
A l'aune des travaux d'Émile Benveniste notamment, on peut donc distinguer deux modes d'énonciation, à savoir
* le système du récit (ou l'énonciation de récit ou le plan non embrayé)
* le système du discours (ou l'énonciation de discours ou le plan embrayé)
II. LE SYSTÈME DU RÉCIT
Tout se passe comme si le récit se racontait tout seul, sans référence à un énonciateur, coupé de l'énonciation proprement dite, c'est pourquoi on parle de plan non embrayé. La prise de position du locuteur n'apparaît donc pas dans son énoncé.
1. Principaux temps verbaux
L’énonciation historique caractérise un récit d’événements passés. Du fait de cet ancrage résolument dans le passé, les textes narratifs reposent donc principalement sur l’alternance imparfait / passé simple, où le premier renvoie à un procès d’arrière plan (par exemple les descriptions), et le second à un procès de premier plan (par exemple: des événements saillants).
Le juge alluma une cigarette. La fièvre donnée au tabac un goût d miel. Il écrasa la cigarette (VAILLAND).
- les temps composés tels que le plus-que-parfait, passé antérieur
- le conditionnel et des occurrences du présent
2. Autres caractéristiques
- Dans la mesure où l'énonciation de récit consiste en un énoncé dans lequel les événements décrits appartiennent au passé, sans aucune implication du locuteur à l’origine de l'énonce, le personnage sera désigne a la troisième personne.
- Il n’est pas question de modalisation de l’énoncé ni d’implication du locuteur.
- Le mode de référence privilégié relève du fonctionnement cataphorique, c'est-à-dire que le point de repère est toujours ce qui est raconté, autrement dit l’énoncé lui-même, et non l’énonciation. En effet, les indications spatio-temporelles situent les événements en décrochage par rapport à la situation de communication.
Il regarda le château. Là-bas était son but.
Ici, la référence derrière là est celle posée par le texte immédiatement précèdent.
III. LE SYSTEME DU DISCOURS
1. Principaux temps verbaux :
Le temps de base est le présent de l’indicatif (lié au locuteur qui s’exprime) qui permet de situer :
- un passé (antérieur ou présent) réalisé sous forme de passé composé ou d’imparfait.
- un futur (postérieur au présent) qui comprend le futur simple et le futur périphérique (aller au présent de l’indicatif + infinitif).
Dans l’énonciation de discours, les temps sont mis au service de la chronologie. Ils permettent de renvoyer aux époques passée, présente et future, d’ordonner des procès,…
Sont utilisés tous les temps ancrés dans la situation d’énonciation, qui se situent par rapport au locuteur, à savoir concrètement :
- pratiquement la plupart des temps de l’indicatif
- tous les temps du passé sauf le passé simple (c’est à dire surtout passé composé et imparfait)
- et donc surtout le présent d’énonciation qui englobe le moment de l’énonciation (ou qui y renvoie).
2. Personne grammaticalement privilégiée :
Le discours est toujours subjectif le pronom personnel « je » est donc le plus utilisé. Cette subjectivité directe permet aussi l’emploi des autres pronoms personnels comme « tu », « il », « nous », « vous »,…
L’utilisation des pronoms personnels est fréquente car ils représentent quelque chose ou quelqu’un de connu par l’interlocuteur.
3. Modèle de référence
(Se rattache à la situation d’énonciation du locuteur)
Le temps et l’espace sont décrits en fonction de la place du locuteur : demain, hier, la semaine prochaine,... à droite, devant moi,…. Tout se passe autour du locuteur et seul son point de vue est énoncé.
4. Utilisation du discours :
Le discours s’utilise lorsque le locuteur s’adresse à quelqu’un. Nous le trouvons dans les correspondances, les mémoires, le théâtre,…